vendredi 19 octobre 2007

Heu-reux !



Au bout de l'attente, après 15 jours d'indécision et un optimisme qui glisse vers le bas tel le temps dans un sablier, le téléphone sonne et la bonne nouvelle tombe : Je suis pris comme agent administratif à l'ANPE de Sarlat, pour un contrat de deux ans, 26 heures par semaine. Ce qui me laissera, de surcroît, du temps pour continuer dans la voie journalistique en parallèle.


J'ai beau détester les entretiens dans le sens où ils me jouent immanquablement des tours, celui-ci m'avait laissé une bonne impression. Assez pour que je sois satisfait de moi. Tout en sachant que, parmi les candidats, après moi il y aurait les autres... pour une seule place à l'arrivée ! Après l'entretien, des tests bureautiques qui n'ont pas posé de grandes difficultés. Et puis l'attente, longue... et la délivrance, enfin !


Bref, je suis heureux tout simplement. A moi maintenant de tracer ma route, d'utiliser ces nouvelles opportunités pour me faire une place, pour exister tout simplement. Et préparer l'avenir. Deux ans, c'est long mais c'est aussi très court. A moi de me faire mon réseau pour mieux rebondir.


Mais chaque chose en son temps. D'abord savourer, laisser reposer l'esprit, décompresser. Enlever la boule de l'estomac. Sourire, afficher une tête d'ahuri et l'assumer pleinement.


Et partager, avec vous, cette joie qui emplit ma journée.


Merci de votre soutien. Réussir, c'est tout un ensemble de choses... et l'amitié y tient une grande place. C'est quelque chose que je n'ai pas toujours compris par le passé et ça n'en a que plus de valeur.



Heu-reux, je vous dis.


dimanche 7 octobre 2007

Isa, Laurent, Léon et Enéa...


Chaque fois que se produit une rencontre avec des gens du forum, c'est toujours un plaisir partagé. Ici, c'est un peu particulier puisque notre Isa du forum est aussi une amie de longue date. Enfin, de Nath surtout puisqu'elles se connaissent depuis l'enfance (Nath avait 4 ans 1/2). Moi, ça fait seulement 9 ans que je connais la miss.


Elles se sont d'ailleurs toujours suivies, même au niveau mariage puisqu'Isa et Laurent se sont mariés moins de deux mois après nous. Là où ça change, c'est au niveau des marmots puisque Isa et Laurent en sont déjà à deux... Isa m'ayant avoué aujourd'hui qu'elle souhaitait plus que tout mettre un 0 après le 2. Bonne chance aux grandes ambitions. Je plaisaaaaaaaaaante !


Un garçon et une fille donc. Léon, le petit dernier, bientôt deux ans si la mémoire de Nath est bonne, et Enéa, 3 ans.


Toute cette petite famille est donc venue nous rendre visite pour un séjour forcément trop court. Le temps pour eux de découvrir notre nouvelle maison en Périgord, de faire une longue et belle promenade ensoleillée, de regarder le rugby tandis que je feuilletais nonchalamment un album de BD... bref de partager quelques moments heureux à six.


Léon et Enéa se sont vite habitués à leur nouvel environnement. Et plus ils étaient à l'aise, plus j'étais sur le qui-vive. C'est que ça bouge à cet âge là ! Mazette, quelle énergie ! Et quand les deux se liguent, c'est terrible ! Heureusement, il reste le bon vieux Walt Disney (merci Walt ! ) qui n'a pas son pareil pour retenir l'attention de nos chères têtes blondes.


Et puis le soir, quand ça dort (si, si, ça dort !), les adultes tentent de refaire le monde. Ou parfois regardent juste la victoire improbable de la France sur la Nouvelle-Zélande.

Le dimanche matin, nos invités se lèvent tandis que Lewis Hamilton s'immobilise dans le gravier au GP de Shangaï. Ensuite, je pars en mission pour le journal. Et en plus, je trouve le moyen de me perdre. Du coup, je rentre, un peu amer, juste à temps pour assister aux préparatifs de départ de nos amis. Isa et Laurent, ça a toujours été ça. On est toujours triste quand ça touche à la fin parce qu'on se voit peu, une fois par an en moyenne. Alors cette fois, promis, on a décidé de remettre ça le mois prochain. A nous le Tarn !


Léon me fait un bisou, Nath n'aura pas cette chance. Léon s'essuie d'un revers de la main, je ne lui dis pas merci. Enéa, telle une star, nous envoie de la main des paquets de bisous. Et c'est le départ.


Vivement novembre, c'est moi qui vous le dis !

mercredi 3 octobre 2007

Piccolo 12eme partie... la fin !


La journée d’adieu à l’école fut une belle réussite. Le gâteau, finalement acheté par maman, était délicieux. Il faut dire que celui préparé en cuisine avait une allure si bizarre que toute la famille s’était sacrifiée pour le petit déjeuner. Manon et Martin avaient vraiment passé une belle journée. Manon était arrivée maussade à l’école puis s’était rappelée de la conversation de la veille avec sa mère. Il ne lui restait plus qu’une journée à partager avec ses camarades et elle devait en profiter, même si Piccolo n’était jamais bien loin dans ses pensées et qu’il lui tardait de le retrouver. Alors elle avait retrouvé le sourire, blaguant, rigolant… et pleurant même lorsque la maîtresse leur remit, à elle et à son frère, un cadeau de la part de toute la classe, ainsi qu’une grande carte musicale signée par tous. Dans le paquet, il y avait un superbe ouvrage animalier pour Martin et un non moins beau livre sur le cirque, avec plein de grandes illustrations en couleurs, pour Manon.


Un livre qu’elle serrait encore contre sa poitrine une fois l’école terminée tout en traversant le village au pas de course pour rejoindre Piccolo. Celui-ci l’attendait sur le seuil du bar et lui souriait. Un sourire franc et généreux comme il savait si bien les faire. Manon enserra son vieil ami, l’embrassa puis tous deux entrèrent dans la salle principale. Elle mangea sa traditionnelle part de tarte aux myrtilles, but ses deux verres de sirop puis resta avec Piccolo jusqu’à ce que la nuit tombe, ce qui arrivait encore assez tardivement en cette saison. Elle voulait profiter de lui, de ses histoires de clown qu’elle connaissait par cœur. Pas un instant elle n’évoqua son prochain départ. Elle savait que son ami était au courant. Perdre du temps à en parler aurait été superflu. Elle voulait simplement être avec Piccolo, rire et rêver avec lui.


Et c’est ainsi que les quelques jours restants se passèrent. Blanche avait prêté à sa fille son appareil photo numérique et Manon prit des dizaines de clichés cette semaine là. Piccolo s’y plia de bonne grâce, revêtant même son ancien costume pour se laisser aller à quelques pitreries qui firent rire Manon aux larmes. Et puis il y eut aussi ces silences, ces non-dits, ces regards dont on peut lire comme dans un livre ouvert. Et qui disent tout.


Et pour ne pas penser à une fin que tous deux savaient inéluctable, Piccolo et Manon commencèrent même le dressage des deux furets, comme si de rien n’était. Martin avait trouvé le nom du sien le soir même où il l’avait attrapé dans sa cage : Brisby, comme le nom du héros du dernier dessin-animé qu’il ait vu en DVD. Sa sœur s’était moquée, ne trouvant pas ça très original et Martin avait fait la moue. Mais en tout cas, le furet de Manon s’appelait toujours « mon furet » et il fallait bien que ça change. C’est au cours d’une séance de dressage avec Piccolo alors qu’elle était prise d’un fou rire qu’elle trouva le nom. Chaque fois qu’elle essayait d’apprendre un tour à son petit animal, celui-ci la regardait fixement et ne bougeait plus. Et à chaque fois, hilare, Piccolo disait : « Y’a comme un bug ! ». Du coup, elle l’appela Bug, ce qui fit rire le vieux clown encore plus fort.


Bref, leurs journées, c'était ça : tenter de dresser Bug et Brisby, rire, parler, caresser le lama, nourrir le bouquetin, partager des parts de tarte, se déguiser, se maquiller, se raconter des histoires. Des journées bien remplies au final mais qui passaient trop vite. Et si Manon voulait montrer de l’enthousiasme en toutes circonstances en présence de son ami, les nuits de solitude étaient plus difficiles. Car les journées s’égrenaient, impitoyables, et la fillette ne pouvait s’empêcher de compter les jours. Et les cartons envahissant sa chambre comme toutes les autres pièces de la maison d’ailleurs ne cessaient de lui rappeler qu’elle et Piccolo devraient bientôt se séparer. Alors elle sanglotait doucement, le visage contre son oreiller.

Et puis le jour J arriva et il fallut bien se résoudre aux adieux. C’était un dimanche maussade et frais, aux premières lueurs du jour. La veille, les déménageurs avaient embarqué l’essentiel de ce qui pouvait l’être avec Eddy qui était redescendu tard dans la nuit. Il n’était donc pas très frais ce matin mais la route était longue et il ne voulait pas se presser. Blanche le relaierait au volant le cas échéant.
La voiture s’arrêta à hauteur du bar de Piccolo qui était déjà ouvert. A l’arrière du véhicule, on entendait Neptune gronder dans sa cage, placée juste à côté de celle de Bug et Brisby
-Va dire au revoir à ton ami, ma grande, et prends ton temps surtout ! dit Blanche à Manon dont les yeux rougis témoignaient d’une nuit et d’un sommeil passablement agités.

Elle entrouvrit la porte, faisant tinter la petite clochette. En principe, c’était le genre de détail auquel Manon ne prêtait plus attention mais là elle avait l’impression de tout capter comme une éponge : les bruits, les odeurs, les objets devant lesquels on passe sans les voir… et donc la petite clochette qu’elle avait fait tinter tant de fois.
Piccolo était là, derrière le bar, son torchon sur l’épaule. Il lui sourit mais son visage était plus marqué que d’habitude. Tous deux avaient redouté cet instant depuis tant de jours tout en sachant qu’on y viendrait tôt ou tard. Manon contourna le comptoir en courant et se blottit contre le ventre de son ami Piccolo. Elle versa des larmes silencieuses, mêlées de tristesse mais aussi de joie. Celle d’avoir connu Piccolo, d’avoir été « sa princesse », d’avoir partagé tant de bons moments qu’elle n’oublierait jamais. Elle offrit alors à Piccolo son visage baigné de larmes mais souriant, et s’aperçut que le vieil homme en faisait autant. Il la regardait avec cette infinie gentillesse dans le regard, mais ne pouvait plus dissimuler sa peine.
-Ma petite princesse, balbutia t-il, la voix brisée par l’émotion, dis-toi que je serai toujours là pour toi. Même de loin, tu entends. Ton vieux Piccolo t’aimera quoi qu’il arrive. Alors sois forte et ne garde que les bons moments, ce sont les seuls qui valent la peine d’être vécus.
Manon fixait le vieil homme. Elle était certes triste, mais heureuse.
-Je t’aime, mon Piccolo, et ça non plus, ça ne changera jamais. Jamais ! dit-elle en le serrant un peu plus fort.
Ils restèrent comme ça un moment puis Manon déposa un baiser sur la joue du vieil homme avant de sortir en courant, la clochette virevoltant une dernière fois. Piccolo resta là, entendit le bruit d’une portière que l’on claque puis celui d’un moteur qui démarre. Il écarta un rideau de la main, entrouvrit un volet et vit la voiture d’Eddy filer puis disparaître au loin.


Il referma la porte à clef puis éteignit la lumière. Il s’assit à la table la plus proche, son torchon toujours sur l’épaule et resta là, dans l’obscurité. Il pensa longtemps, très longtemps à Manon avant de s’endormir. Et parce qu’il avait été si heureux en compagnie de la fillette, il souriait encore le lendemain lorsque, inquiet de voir les volets désespérément fermés à la mi-journée, Paulo découvrit son corps inanimé. Le vieil homme était parti de sa belle mort, sans souffrance et le sourire aux lèvres. Ses dernières pensées avaient été pour Manon, sa princesse. Il n’avait certes pas réalisé tous ses rêves de vieux clown mais il était parti heureux.



Et à plusieurs centaines de kilomètres de là, Manon rêvait à son ami Piccolo, le vieux clown aux belles histoires.


De celles qui mettent des étoiles dans les yeux.





Fin


Piccolo 11eme partie


-Vous voulez que ce soit moi qui le lui annonce ? demanda Piccolo, tout en resservant Eddy de vin de noix. Aujourd’hui, elle a son cours de soutien mais je la vois demain soir.
Le vieil homme et Eddy avaient l’air de deux chiens battus, tout deux assis à une table à l’intérieur du bar.
-Non, c’est gentil mais c’est à sa mère et à moi de lui annoncer la nouvelle. Manon va sûrement très mal réagir quand elle saura que nous partons à la fin du mois. Elle avait tellement mis de temps pour s’adapter ici. Et puis elle vous avait rencontré, elle avait retrouvé l’envie, le goût des choses. Et était même en passe de combler ses lacunes scolaires. J’ai peur que le choc soit trop rude pour elle. Elle s’est fait son petit monde, sa petite vie autour de vous, de ses amis, du spectacle que vous deviez monter ensemble. Et tout va s’écrouler en quelques instants.
Eddy vida son verre d’une traite. Piccolo le resservit toujours silencieux.
-Le pire dans tout ça, c’est qu’il va nous falloir déménager, tenter de se réadapter ailleurs, dans une grande ville en plus, en Lorraine où il paraît que c’est mort… Manon et Martin vont devoir changer d’école, se faire de nouveaux copains. Et tout ça pour quoi ? Faut pas se voiler la face. Ca commence par des mutations imposées et on sait comment ça finit. Les sites ferment un à un et on se retrouve viré comme un malpropre. Finalement, c’est ça le pire : partir sans savoir de quoi demain sera fait.
Eddy descendit son verre aussi rapidement que le précédent puis se leva.
-Il vaut mieux que je m’en aille. Boire n’a jamais résolu les problèmes. Merci encore Piccolo. Pour tout. Vous êtes ce qui est arrivé de mieux à ma petite Manon.
Il tapota sur l’épaule du vieil homme et sortit précipitamment. Piccolo resta seul, assis à la table, enchaînant sans s’en apercevoir les verres les uns après les autres, noyé sous des larmes qu’il ne pouvait plus contenir.

Manon était écarlate et avait les poings serrés. Elle s’était levée d’un bond tandis que son père et sa mère tentaient de la raisonner. Martin ne comprenait pas tout mais était inquiet de la fureur de sa sœur. Neptune avait précipitamment quitté la pièce.
-Il n’est pas question que l’on parte d’ici ! Jamais, hurla t-elle. Jamais, jamais !
A peine Eddy eut-il giflé sa fille qu’il le regretta. Une gifle âpre, sèche. Manon mit la main à sa joue, surprise, mais ne tarda pas à reprendre ses esprits.
-Je ne partirai pas, vous entendez ! Je vais rester ici, avec mon ami Piccolo et…
La voix de Manon s’étrangla subitement et elle ne put finir sa phrase. Le simple fait d’avoir pensé à son ami le vieux clown fut au dessus de ses forces. Elle s’écroula en larmes dans les bras de sa mère.
-Ecoute ma puce, dit Blanche en prenant les joues de sa fille entre ses deux mains. On comprend tout ça et nous aussi nous souhaiterions rester. Mais ce n’est pas possible. Papa n’a plus de travail ici. Je ne dis pas que c’est juste mais que c’est comme ça. Il n’y a pas le choix. Nous devons partir, quoi qu’il puisse nous en coûter pour chacun d’entre nous.
-Et Piccolo ?, renifla la fillette, je ne peux pas quitter Piccolo… Je suis sa princesse, tu sais, je suis sa princesse !
Blanche avait mal de voir sa fille ébranlée à ce point, pleurant le visage enfoui contre sa poitrine.
-Piccolo est ton ami et ça, ça ne changera jamais. Vous pourrez vous écrire ou même vous téléphoner parfois. Mais tu es une grande personne et je ne veux pas te mentir. Nous nous en allons très loin et je ne pense pas que tu le reverras. D’autant que Piccolo est un vieux monsieur à présent et qu’il ne sera pas possible pour lui de venir nous voir.

Manon renifla de plus belle. Mais sa colère était tombée et elle se sentait lasse. Une immense tristesse l’avait envahie. Elle n’avait jamais envisagé devoir se séparer un jour de son vieil ami Piccolo le clown. Elle se mit à penser aux projets qu’ils avaient ensemble, aux sacrifices qu’il avait faits pour acheter les animaux du futur cirque qui ne verrait jamais le jour. Elle le revoyait surtout en train de lui raconter ses belles histoires, souvent à la lueur des étoiles.
-Ecoute moi Manon, il te reste une dizaine de jours. C’est peu mais c’est beaucoup en même temps. Profite de ton ami Piccolo. Essaie de ne pas penser au départ mais seulement au temps que tu vas passer avec lui. Ce n’est pas facile mais essaie. Sinon, c’est là que tu auras des regrets. Et demain vendredi, ce sera votre dernier jour d’école. J’ai demandé à la maîtresse la permission de vous avoir avec moi la semaine prochaine pour m’aider à préparer les cartons. --Mais ne t’inquiète pas, tu auras beaucoup de temps pour aller voir ton ami Piccolo. Martin m’aidera, ce sera un peu le chef de la famille, rajouta Blanche en levant la voix et en faisant un clin d’œil à sa fille.

Martin hocha la tête, son grand sourire un peu niais sur la figure, et bomba le torse de fierté, ce qui fit sourire Manon qui se sentait un petit peu mieux.
-Excuse moi papa, je regrette d’avoir crié.
-C’est rien ma grande, répondit Eddy qui se sentait au moins aussi gêné que sa fille. C’est oublié.
-Bon, les enfants, c’est bien beau de faire son dernier jour d’école demain mais… si vous m’aidiez à préparer un gros gâteau à emporter pour le goûter avec vos camarades, qu’est ce que vous en dites ?
En poussant de grands cris enthousiastes, Manon et Martin se ruèrent vers les placards et très vite la cuisine s’emplit de traces de farine, d’odeurs de chocolat et d’éclats de rires.



Suite et fin au prochain numéro…

Piccolo 10eme partie


-Martin, viens ici tout de suite ! pesta Manon


-Maman, maman, dis lui d’arrêter, pleurnicha Martin en se réfugiant dans les bras de sa mère. Elle a recommencé !
-Manon, tu exagères, dit Blanche en tentant de prendre un air réprobateur forcé. Martin n’est pas un nom pour un animal. Alors tu vas me faire le plaisir d’en trouver un autre pour ton furet.
-Je trouvais pourtant que ça lui allait bien, rigola Manon pleine de malice, tout en attrapant le furet et en le remettant dans sa cage. Il est comme toi pleurnichard… un peu pataud sur les bords et boudeur dès qu’on lève la voix sur lui.
-Maman, maman, elle continue ! gémit Martin de plus belle, dont les larmes de crocodile n’abusaient personne. Pas sa mère, ni sa sœur en tout cas.
La porte d’entrée claqua. Blanche s’agenouilla et regarda ses deux enfants tour à tour, droit dans les yeux.
-C’est papa qui rentre du travail. Alors je ne veux pas de dispute. Et hors de question que les furets quittent leur cage tant que ton père est dans les parages. C’est bien compris Manon ?
Martin commença à ouvrir la bouche mais Blanche posa un regard sévère sur lui.
-Et toi, je te préviens que je n’aime pas les rapporteurs, tu m’as bien comprise ? Sinon, je te promets qu’il y aura bien deux Martin dans cette maison !
L’enfant acquiesça de mauvaise grâce, une moue de dépit sur le visage. Blanche sortit de la chambre des enfants et referma la porte.

Manon et Martin s’assirent sur leur lit respectif. Tous deux regardaient les deux cages posées au milieu de la chambre, sur la moquette.
-Tu vas pas faire la tête toute la journée, si ? C’est pas possible de chialer pour un rien comme un bébé !
Martin renifla
-T’es une vilaine sœur, et j’vais le dire à maman si tu continues !
Manon soupira
-Oh la la ! Tu le connais ton problème ? T’es trop rigolo, voilà ! J’ai un frère trop rigolo ! Qu’est ce qu’il est rigolo mon petit frère !
La fillette regarda la mine mi-agacée, mi-ahurie de son frère et éclata de rire
-Allez frérot, fais risette ! Et aide moi plutôt à leur trouver un nom… un vrai ! De vrais noms de scène, hein, parce que bientôt, mes furets seront les vedettes du spectacle de mon ami Piccolo.
Manon se leva et ferma la porte de leur chambre à clé. Puis elle ouvrit les deux cages et recula.
-Tu es folle, dit Martin. Ils vont peut-être se bouffer entre eux.
-Ne dis pas d’âneries… Ils étaient déjà ensemble lorsque papa les a retrouvés hier soir sous le vaisselier, après que Neptune les ait chassés dans toute la maison. D’accord, ils n’en menaient pas large mais je pense qu’ils peuvent bien s’entendre. Il le faudra de toute façon pour les numéros qu’ils feront ensemble.
-Ils sont peut-être de la même famille, tu ne crois pas ?
Manon regarda son frère, un peu surprise comme à chaque fois qu’il tenait des propos intelligents.
-Oui, pourquoi pas ? Il faudra que je demande à Piccolo s’il sait quelque chose là-dessus.

Le furet « Martin », d’un brun sombre, observait ce qui se passait autour de lui, visiblement conscient que la cage était ouverte mais pas forcément désireux de mettre le nez dehors. Peut-être avait-il encore en mémoire sa course d’hier… En revanche, le second furet, brun clair avec une belle tâche blanche, semblait moins farouche. Il sortit de sa cage, aperçut le second furet, le regarda quelques instants puis observa les deux enfants. Il se dirigea vers la main que lui tendait Manon, hésita quelques instants, puis s’y blottit à l’intérieur. La fillette avait le regard brillant, toute émue de voir son nouvel ami. Elle porta la main à hauteur de son épaule et le furet y sauta gaiement. Il resta là, reniflant sa nouvelle maîtresse.
-Il faut que je lui trouve un nom maintenant… J’ai pas d’idée, soupira Manon en regardant son frère.

Mais Martin ne la regardait pas. Il fixait la seconde cage avec l’animal toujours à l’intérieur. Il s’approcha doucement, entra l’avant-bras dans la cage et présenta la paume de sa main au furet. Celui-ci hésita, regardant tour à tour le garçonnet et Manon puis grimpa finalement au creux de sa main. Martin eut alors un grand sourire sur le visage et regarda sa sœur, tout content.
Il a retrouvé son air ahuri, pensa Manon, mais elle était contente pour lui. Sincèrement contente.
-Je te propose une chose Martin. Nous allons leur apprendre des tours ensemble, tu veux ? Et comme ils semblent nous avoir adoptés, nous allons chacun trouver le prénom que l’on veut pour notre furet, d’accord ?
Le visage de Martin était lumineux. Il adorait sa sœur dans ces rares instants de franche complicité. Il s’assit à côté d’elle et bientôt les deux furets sautèrent allègrement d’une épaule à l’autre, provoquant les éclats de rire des deux enfants.


Eddy faisait grise mine. Il s’était affalé sur la première chaise venue. Ses traits étaient tirés. Blanche pensa tout d’abord que la journée avait du être sacrément éprouvante. Mais elle se rendit vite compte qu’il y avait autre chose.
-Eddy ? Qu’y a t-il ? Tu m’en veux encore d’avoir voté contre toi au souper d’hier et d’avoir ainsi permis à Manon de garder les deux furets ? Tu sais bien qu’elle s’est engagée à les laisser dans sa chambre et…
-Non ma chérie, soupira Eddy, le regard semblant fixer le vide. Manon et ses animaux de cirque n’y sont pour rien. C’est… c’est le boulot…
Blanche tressaillit. Elle savait que les temps étaient durs depuis plusieurs mois déjà, et que certains de ses collègues avaient été licenciés. Eddy dut sentir que sa femme paniquait et prit ses deux mains entre les siennes.
-Non, ne t’inquiète pas. Je n’ai pas été viré. J’ai la chance d’être chef d’équipe et ils n’ont aucune envie de me voir quitter la boite. Seulement…
-Seulement quoi, Eddy ? insista Blanche en plongeant son regard dans celui de son mari. Dis-le moi !
Eddy prit une profonde inspiration. Il semblait vraiment au bout du rouleau et les larmes n’étaient pas loin.

-Il va nous falloir déménager. J’ai été muté.



A suivre…