vendredi 21 septembre 2007

Piccolo chapitre 8




Résumé : Piccolo, ancien clown propriétaire d’un troquet dans un petit village, s’est pris d’amitié pour Manon, une fillette solitaire qui voue au vieil homme une admiration sans borne. La gamine étant en situation d’échec scolaire, notamment en français, Piccolo lui propose un marché : lui apprendre l’art du cirque et monter un vrai spectacle à condition que ses notes remontent. Enthousiaste et soutenue par ses parents, Manon accepte. Tout semble bien se passer jusqu’au jour où Paulo, un ami du vieux clown, suggère à Piccolo de tout arrêter, estimant que le cirque n’est pas un métier d’avenir et que son amitié pour Manon fausse son jugement.
Ebranlé, le vieil homme ne sait plus que faire. Doit-il continuer ou au contraire s’effacer progressivement ?






La journée n’avait pas dissipé les doutes de Piccolo, bien au contraire. Il était resté une bonne partie de l’après-midi, seul, à grommeler derrière son comptoir. Les mots de son ami Paulo allaient et venaient sans arrêt dans sa pauvre tête. Manon allait arriver mais, pour la première fois, il n’était pas enthousiaste à l’idée de la retrouver. Pour peu qu’elle ait des devoirs de français et ce serait le bouquet, pensa t-il en esquissant un pâle sourire.
Il avait mis sa matinée à profit pour aménager des enclos dans son jardin, à l’arrière du bar, pour le bouquetin et le lama. Quant aux furets, Piccolo avait pour le moment déposé les cages derrière le comptoir.

Il ne pouvait s’empêcher de penser que ça ferait bien ses affaires si Manon pouvait avoir un cours de soutien ce soir. Il jeta un œil sur le calendrier et soupira. Il devait absolument réussir à faire abstraction des propos tenus la veille par Paulo. C’est vrai, ça : de quoi se mêlait-il ? Qui lui avait demandé son avis d’abord ? Piccolo fronça les sourcil et essuya un verre avec tant de vigueur qu’il se brisa. La main de Piccolo se mit à saigner, malgré le torchon. Il pesta entre ses dents et c’est précisément le moment que choisit Manon pour faire son entrée.
Piccolo disparut précipitamment dans la cuisine, le torchon enveloppant sa main ensanglantée.
-J’arrive, Princesse ! Pose tes affaires, le goûter arrive !
Il se lava abondamment la main au robinet, mit un peu d’eau oxygénée sur la plaie puis enroula de la gaze autour de sa paume droite. Il sortit de la pièce tout sourire, pensant pouvoir donner le change, mais comme de bien entendu, c’est sa main bandée qui attira tout de suite le regard de la fillette.
-Ce n’est rien du tout, anticipa Piccolo tandis que Manon fronçait les sourcils. Une petite maladresse, rien de plus. Allez, assied-toi. Tu dois avoir des devoirs et ensuite, si tu es sage, j’aurai quelque chose à te montrer.

La part de tarte aux myrtilles parut fade à Manon. Elle n’avait pas oublié le regard un peu vide de son ami ce matin, lorsqu’elle l’avait salué en se rendant à l’école. Et maintenant, ce bandage. Et puis, il y avait autre chose, qu’elle n’aurait pas su définir. Une distance, peut-être… Piccolo était plus silencieux que d’ordinaire. Souriant mais silencieux.
Elle but son verre de sirop de cassis qui lui sembla aussi manquer de saveur puis elle sortit ses affaires de classe. Elle ne souhaitait pas poser de question. Après tout, peut-être se faisait-elle simplement des idées. Son vieil ami pouvait tout aussi bien être simplement fatigué.
Piccolo scruta le visage de la jeune fille. Elle essayait de ne rien laisser paraître mais il voyait bien qu’elle était contrariée. D’ailleurs, elle n’avait pas témoigné d’intérêt particulier lorsqu’il avait dit avoir quelque chose à lui montrer. En temps normal, elle aurait été intenable.

Alors il prit sa main dans la sienne et lui sourit. Manon redressa la tête et offrit un sourire radieux à son ami Piccolo. L’instant n’avait rien de particulier, un sourire parmi tant d’autres échangés et pourtant Manon sentit les larmes lui monter aux yeux sans qu’elle puisse contrôler quoi que ce soit. Elle se leva et éclata en sanglot sur l’épaule du vieil homme. Il restèrent comme cela un petit moment, sans rien dire. Piccolo pensa que, décidément, cette gamine n’était pas comme les autres. Il se demanda même s’il ne serait pas plus simple de lui parler de son entretien de la veille avec Paulo, en toute honnêteté. Après tout, Manon et lui étaient de vrais amis et cette relation était pour beaucoup basée sur une confiance mutuelle.
Mais une partie de lui se disait que finalement, tout ça n’était pas bien important. Et puis, c’était tout de même une discussion d’adulte et Manon restait une enfant. Mature et apte à comprendre plein de choses, mais une enfant quand même.

Lorsque Manon, les yeux rougis mais toujours souriante, retourna s’asseoir, Piccolo se sentit le cœur infiniment plus léger. Ils allaient continuer, travailler de plus belle. Peu importe le temps que ça durerait. Peu importe aussi qu’elle en fasse ou non son métier. Seul le moment présent comptait. Faire simplement un bout de chemin à deux.
Manon aussi se sentait mieux. D’ailleurs, elle demanda une autre part de tarte, et cette fois, jamais les myrtilles ne lui avaient semblé aussi bonnes. Même les devoirs de français, dictée et conjugaison, lui semblèrent agréables. Et lorsqu’elle eut fini, elle lança à Piccolo un regard plein de malice.

-Alors c’est quoi la surprise que tu voulais me montrer ?



A suivre…

3 commentaires:

Réverbères a dit…

Toutes les portes peuvent s'ouvrir à nouveau, vers l'ombre comme vers la lumière… Il nous reste à découvrir, comme Manon… comme Piccolo sans doute aussi… cette fameuse surprise ! Qu'elle ne se fasse pas trop attendre !

Cath a dit…

Ah, on retrouve Piccolo ! et Manon ! Ils avaient été absents, mais pas seulement...
On retrouve le style et l'ambiance du début de l'histoire, une suite qui coule de source. C'est très beau. Ce n'est pas la fin, et tant mieux. On se régale d'attendre la suite, et la fin ! (Et on se régalerait surtout de ne pas espérer trop longtemps !) ;-)

franck a dit…

Ce ne sera pas une surprise pour nous... puisqu'elle est "amorcée" dans le chapitre 7. Mais c'en est une pour Manon.