lundi 22 janvier 2007
Bon voyage...
mardi 16 janvier 2007
Mort lente (Chapitre 2)
J’eus un petit pincement au cœur. Plus que d’avoir vu ces lueurs dans le ciel, c’était surtout cette mélancolie s’insinuant en moi qui me surprenait. J’étais encore capable de ressentir. Une aptitude fugace à capter encore de petits instants d’émotion. Ma vie n’était peut-être pas seulement faite de vide. Il y avait aussi quelques étoiles à l’intérieur. De petites étoiles dont je devais coûte que coûte préserver la lumière. Sinon…
J’avais déjà laissé filer une étoile. La plus éclatante de toutes avait glissé entre mes doigts. Non. C’est moi qui lui avait rendu sa liberté. Je ne voulais pas que cette si belle étoile, si lumineuse, puisse perdre de son éclat à mon contact. Je me demandai si elle était heureuse là où elle était à présent. Je le souhaitais, tout en sachant que rien n’est jamais aussi simple.
J’étais bizarre ce soir. Tout était silencieux. L’automne était là, avec ses nuits précoces et fraîches. J’observai le relief rocheux. Il fit place progressivement à un champ d’herbes et de fleurs, celui de mon enfance qui se trouvait à l’arrière de la maison familiale. Je m’y voyais allongé sur le ventre, un brin de foin dans ma main, à l’affût du grillon qui ne manquerait pas de sortir. Alors, l’enfant que j’étais, l’aurait précautionneusement pris entre ses deux mains et serait rentré chez lui, ému de son butin, et aurait déposé, comme à son habitude, l’insecte chantant sur une biscotte.
Mais ce soir, les grillons ne chantaient pas. Ils ne chanteraient plus jusqu’au printemps ou l’été prochain probablement. Mais j’aurais pu aisément les entendre. Il m’aurait juste suffit de fermer les yeux.
J’avais donc laissé Gwen. Cela faisait déjà plus de trois mois. Je l’avais laissée par amour, pour ne pas la faire sombrer avec moi. J’avais aussi un peu de peine pour Peter. Lui aussi, je l’avais trompé. J’avais trahi sa confiance. Mais lui avais-je vraiment menti au fond ? Je lui avais dit vouloir partir. Je n’avais pas précisé comment.
Je ne me supportais plus, et je supportais les autres encore moins. J’avais eu le choix entre la mort et la renaissance. Peut-être que l’un m’aurait apporté l’autre, qui sait ? Mais je n’avais pas voulu tenter le diable. La renaissance m’allait très bien. Ainsi que l’isolement qui allait avec.
J’avais donc mis sur pied ma propre mort. Mon ancienne vie s’était éteinte en même temps que j’avais enfoui le pendentif dans le sable. Je savais que Peter ne se poserait pas de question. C’était mon meilleur ami. Un frère. Mais même lui n’aurait rien pu pour moi.
Aujourd’hui, il me croyait probablement reposant au fond de l’eau, parmi les poissons et autres sirènes. Et c’était mieux ainsi.
J’amenai les courses à l’intérieur de la maisonnée. Personne ne me trouverait jamais ici. Un coin reculé, en pleine campagne corse. Et puis qui chercherait un mort de toute façon ? En plus, pas de voisins à moins de trois kilomètres à la ronde. Et pas du genre à poser des questions de toute façon. Ils avaient compris que je cherchais la tranquillité et la discrétion. Ils respectaient ça. Je pense même que ça leur convenait tout à fait. Ca les changeait de tous les badauds de la métropole. Quoique ici, les touristes, même en pleine saison, ça ne devait pas courir les rues.
J’étais bien. Un peu mélancolique ce soir mais ça ne durerait pas. Cette nouvelle vie, je l’avais tellement désirée sans oser y croire. Mon passé était derrière moi. Ainsi que tous ceux qui en avaient fait partie. Peter et Gwen hantaient parfois certains de mes rêves mais je n’étais pas inquiet. Je n’avais aucun regret. J’avais fait ce qu’il fallait.
J’esquissai un sourire. La vie était si belle.
A suivre…
samedi 13 janvier 2007
Collection particulière
J'ai toujours un gros problème lorsque je veux partager un coup de coeur, c'est que je ne trouve jamais des mots suffisamment forts pour en parler.
François MOREL signe l'excellent CD "Collection particulière" avec son complice Reinhardt Wagner. C'est mon coup de coeur de l'année 2006, rien de moins, tous genres confondus.
Ce CD a donné lieu à un spectacle au Théâtre du Rond-Point dont voici quelques échos de la presse :
C’est le problème avec Morel, comme il fait bien rigoler, on en oublie qu’il sait aussi émouvoir, chanter, faire le clown, grimper à la corde, écrire, parler dans le poste et jouer Feydeau ou Dubillard quand cela se présente… Jean-Michel Ribes est le metteur en scène et l’auteur des intermèdes parlés car Collection Particulière n’est ni un récital, ni un tour de chant mais un spectacle de chansons. Il change de veste une douzaine de fois et entreprend avec son pianiste des dialogues d’une drôlerie, d’une cocasserie absurde, dignes de ceux qu’ont longtemps partagés Raymond Devos et le sien (de pianiste). François Morel est un athlète complet de la chanson française, une sorte de frère Jacques fils unique, de Francis Blanche ou Boby Lapointe taille mannequin. Jean-Baptiste Harang – Libération
Morel allie la poire et le fromage, la poésie et l’humour, l’humilité et l’esclaffement. Parmi les maigres joies que cette époque lui inflige, le spectateur a toutes les raisons de lui en être très reconnaissant. Frédéric Ferney – Le Point
Alors je sais pas pour le spectacle (mais je désespère pas de pouvoir m'y rendre ou, à défaut de mieux, d'espèrer une sortie DVD) mais concernant le CD, c'est beau, c'est sublime, drôle, poétique et émouvant...
vendredi 12 janvier 2007
Village en péril...
J’ai vécu cinq ans dans ce petit village entouré de vallées verdoyantes. Friand de magazines, je m’arrêtais au Tabac Presse presque quotidiennement. Souvent même, j’achetais sans avoir prévu de le faire. Parfois, je n’achetais rien. Juste le plaisir de passer, de dire un petit bonjour amical. Lorsque j’étais dans cette boutique, j’avais vraiment du mal à en repartir. Pourtant, l’endroit n’avait rien de luxueux. Un petit local aménagé. Mais du passage. Enfin parfois. Mais de moins en moins.
A quinze bornes de là, un autre village. Mais plus gros. Plus dynamique. Plus de commerces. Et surtout avec une grande surface.
Alors les gens du petit village ont pris leur voiture et se sont rendus à cette grande enseigne. Ils ont fait des pleins. Et ce faisant, ils se sont aussi arrêté au Tabac Presse du gros village.
Fatalement, le Tabac Presse du petit village a vu sa fréquentation baisser. A cela s’est ajoutée la cabale contre les cigarettes qui a entraîné une chute significative des ventes. Cabale ô combien nécessaire mais si injuste pour de petits commerces qui ne peuvent compenser cette perte de revenus.
Aujourd’hui, je suis revenu dans ce petit village, moi qui vis dans le grand depuis plus de deux ans maintenant. J’y suis revenu pour faire deux articles, l’un sur le passage des bibliobus dans les campagnes, initiative importante s’il en est pour la diffusion de la culture dans les zones rurales, et l’autre sur un commerce de vêtements.
C’est là précisément que j’ai appris la nouvelle. Le Tabac Presse vit ses dernières heures. Lundi, le magasin sera définitivement fermé. Seuls quelques journaux d’informations seront en vente à la boulangerie. Mais pour le reste…
Que dire ? Je n’aime pas les motifs commerciaux de la grande distribution. Mais je vois aussi la différence financière entre un plein fait dans une épicerie de village et un plein fait en grande surface. Et pas question pour moi de critiquer la lutte anti-tabac… Mais est-il juste que les petits commerçants paient au prix fort ces changements ?
Comment pérenniser les petits commerçants et artisans, éviter la lente agonie de ces villages qui se meurent ?
Y a t-il un remède ? Je ne le pense pas. Mais lorsque l’on arpente des rues que l’on a connues vivantes autrefois et qui sont frappées de désolation, il y a tout de même un petit pincement au cœur.
Je connais une mère et sa fille qui doivent chercher un peu de lumière ce soir…
mercredi 10 janvier 2007
Figure imposée
Petite lumière deviendra grande
Parfois l’adversité vous submerge. Et quand ce n’est pas elle, il arrive que ce soit vous qui vous en chargiez. Vous vous engloutissez tout seul. Vous restez là, avec vos interrogations et le déni de vous-même pendant que d’autres s’accrochent et vont de l’avant.
Il m’est souvent arrivé d’avoir la tête sous l’eau. Jusqu’à ce que je m’aperçoive que c’était souvent ma main qui pressait mon crâne vers les abysses. Dans ces moments là, on a beau être entouré, on a beau croire en vous, en vos talents, rien n’y fait. Je ne voyais plus rien, ne ressentais plus rien. Je ne pensais qu’au matériel, le paiement des factures, la bouffe. Avec la peur de l’avenir au ventre. La peur de soi aussi, de ces doutes qui n’en finissent pas d’embrumer votre esprit jusqu’à vous convaincre que vous n’êtes rien. Et l’âge qui n’arrange rien lorsqu’on ne se trouve pas très actif.
Et puis une lumière apparaît. Un interstice au départ. Dans mon cas, cette lumière est apparue lorsque l’on m’a proposé d’être correspondant de presse pour un petit village. Au début, je n’aimais pas trop cette lumière. Je ne devinais pas la chaleur qu’elle allait amener dans ma vie et l’éclairage qu’elle aurait de ma propre existence.
J’ai donc commencé par faire quelques articles par semaine. Il a fallu que je prenne quelques repères. Faire mon réseau. Voir les gens. Capter l’info. Pas seulement l’évènementiel mais plutôt la petite info, celle qui touche les gens.
Un peu plus tard, mon patron m’appelle et demande à me voir. J’angoisse. Les anciennes habitudes sont tenaces. Une période noire de ma vie professionnelle remonte à la surface et envahit de doutes et d’appréhension mon petit cerveau.
Mais un chef est un chef et on ne dit jamais non à son patron, surtout si on débarque dans le métier. J’y suis allé et j’ai reçu des félicitations et des encouragements. J’étais là, une boule au ventre devant lui, alors qu’il était satisfait de mon travail et qu’il avait tenu à me le faire savoir de vive voix. Reconnaissance inespérée et à laquelle je ne croyais plus pouvoir prétendre.
Depuis, je me suis détendu. J’ai repris du plaisir, du goût pour les choses. Et ma charge de travail augmente. Des articles extérieurs au canton. Des pages de communication pour de grosses boîtes qui cherchent un espace de diffusion. Des rendez-vous. Et de plus en plus de kilomètres à parcourir.
Pendant ce temps là, j’apprends. Et tout en apprenant, je laisse une empreinte sur les écrits que je livre chaque semaine. Je montre, avec de plus en plus d’assurance, que je suis là et bien là.
Demain, rencontre importante. Une double page à la clé. Ma première et pas de droit à l’erreur. Un peu d’appréhension. Mais je ne décevrai pas. Je ferai comme tout le monde : j’irai au charbon. Le bloc notes dans une main et le Kodak dans l’autre.
La lumière me fait du bien. Je suis en train de l’apprivoiser. De la canaliser en moi.
Et pas question de la laisser s'éteindre.
lundi 8 janvier 2007
Entre les lignes
C'est pas pour autant que j'avais une idée de ce qui me conviendrait.
"De moi à vous : Ecrits et autres bafouilles"... Je me suis demandé si je n'avais rien d'encore plus pompeux en stock. Déjà, "de moi à vous", rien que ça je trouvais que c'était d'une prétention inouie. Moi d'un côté et vous de l'autre. Je me suis dit : "A quoi ça rime cette barrière ?"
Bien sûr, on pourra me rétorquer qu'il y avait la notion d'échange, de "don" de quelque chose.
Mais je n'en suis pas convaincu. J'ai trouvé mon titre dans la précipitation et plus je laissais de messages dans ce blog, moins je trouvais qu'il me correspondait.
Alors j'ai longtemps cherché... un truc autour des mots, de l'écrit. Je suis même tombé assez bas et vous avez ainsi échappé aux "Bris de mots" pour lequel j'ai pourtant bien failli opter un jour de grosse fatigue générale.
Et puis "Entre les lignes" m'est apparu. Oh, ça n'a pas été transcendant. Je n'ai pas sauté de joie, non. Mais j'ai trouvé qu'il me correspondait pas trop mal. Ou qu'il correspondait assez bien à l'idée que je me faisais de mon blog, de l'orientation que je voulais amener.
Dans mes écrits, (comme pour bon nombre d'auteurs d'ailleurs, qu'ils soient amateurs ou confirmés) je ne dis que ce que j'ai bien envie de dire. Le reste est soumis à toutes les interprétations. Le but est de peu me dévoiler et de vous laisser trouver d'autres éléments en lisant entre les lignes.
Enfin, ça, c'est en théorie, parce qu'en pratique je trouve que j'ai une fâcheuse tendance à trop en dire. J'ai beau enrober tout ça de fiction plus ou moins inspirée, j'ai l'impression que j'en dis quand même pas mal sur moi.
Va falloir que ça change tout ça...
samedi 6 janvier 2007
Orages
vendredi 5 janvier 2007
Franquin
jeudi 4 janvier 2007
Moments entre amis
Nous, on avait dit, comme tout le monde avant eux, de ne rien apporter bien sûr. Sauf que toutes les friandises, ben, elles feront pas de vieux os parce que qu'est ce que c'est bon ! ! !
Bref, une journée entre amis. Je me suis attelé à l'aligot pour l'occasion. L'aligot, c'est très contrariant quand tu le rates mais sinon c'est très pratique pour appâter les touristes.
Bref, une bonne petite table sans prétention, quelques heures à essayer de refaire le monde, à discuter de tout comme de rien. Des mots, des sourires, du plaisir d'être là tout simplement.
La séance photos s'y prête bien. Même moi qui ne suis pas friand pour prendre la pose, je suis plus réceptif que d'habitude (la femme toute menue sur la photo, c'est ma femme Nathalie... bientôt dix ans qu'on se supporte ! )
(Cath prend la pose... c'est vrai qu'on n'a pas l'air trop malheureux...)
On rentre ensuite chez nous. le dessert nous attend.
Il est 18 h et la nuit a enveloppé le village. Nos amis nous quittent mais ce n'est qu'un au revoir.
Quelques heures passées ensemble. Des émotions partagées. Une belle journée, toute simple.
Merci à vous d'être là et à de prochaines retrouvailles !
FD, le 4 janvier 2007
mercredi 3 janvier 2007
L'animal blessé
En face, son adversaire est pantelant. Mais ne le quitte pas du regard non plus. Une vingtaine de mètres les sépare. Un pont entre eux ? Oh non ! Tout juste un fossé ridicule. Si facile à franchir. Mais aucun des deux ne tentera rien. Pour l’instant.
Les deux bêtes se jaugent, se toisent, tentent de s’impressionner. L’une a déjà livré une dure bataille au sein de sa propre meute. Elle a terrassé sa mère après un combat âpre. Un combat court mais si intense. Explosion de cris et de fureur. Meurtrissures jusqu’au plus profond de la chair. Et un seul vainqueur possible. Le fils en l’occurrence. Ensanglanté mais debout, l’âme en miettes. Le cœur à terre. Avec l’instinct de survie comme seul gage d’avenir.
Mais les batailles ne l’effraient plus. Il est prêt à repartir au combat si nécessaire. L’autre semble plus frais ? Qu’importe ! Il est de ces combats dont l’issue incertaine constitue le seul piment de la confrontation.
L’autre, en face, ne bouge pas. Il y a encore quelques heures, ils jouaient ensemble. Meute différente mais même espèce. Aucune raison de se méfier à priori…et pourtant ! Maintenant, on ne joue plus. L’insouciance a disparu. La confiance aussi.
L’animal a tellement léché sa plaie qu’il n’a même plus le goût du sang dans la bouche. Petit à petit, il récupère. L’autre a dû le sentir. Car il ne lui laissera pas davantage de temps. Les mâchoires claquent presque à l’unisson et les deux corps, affaiblis mais puissants, tombent l’un contre l’autre.
Grognements de rage ou hurlements de douleur… Difficile de dire qui s’en sortira cette fois-ci… La jungle est ainsi faite. Ni vainqueur, ni vaincu. Eternel recommencement de combats pathétiques entre animaux blessés. Entrecoupés de quelques illusions d’amour.
FD, le 3 janvier 2007
lundi 1 janvier 2007
Mort lente (titre provisoire)
Je me penchai et ramassai le pendentif. Le sable était froid mais, en cette saison, ça ne durerait guère. Des grains s’échappèrent d’entre mes doigts comme d’un tamis. J’observai l’objet puis sentis un sentiment nouveau me submerger. Un sentiment où la tristesse se mêlait à une certaine panique. Une certaine solitude. L’absence.
Harry l’avait donc fait finalement. Nous en avions parlé la veille mais je n’avais pas eu à cœur de le raisonner. Peut-être parce que, aussi horrible que cela puisse paraître, je comprenais.
D’ailleurs, je n’en éprouvais ni honte, ni remord. Juste un vide. Et l’impression d’une vie gâchée à force d’occasions manquées. Ou de rêves avortés.
Mon regard fixait toujours le pendentif. Enfin… sans le fixer vraiment en fait. Au bout d’un long moment de franche lassitude, je regardai la mer. Harry était là, quelque part, parmi les poissons. Plus tard, on retrouverait son corps. On conclurait à une noyade. Encore un imprudent qui se serait baigné trop près des rochers.
Mais Harry était parti volontairement, en laissant à son meilleur ami un cadeau d’adieu. Un cadeau qui ne le quittait jamais mais dont il s’était pourtant séparé en le déposant sur le sable.
J’eus alors instinctivement le réflexe de mettre le collier autour de mon cou. Mais, au dernier moment, je n’y parvins pas et eus même un mouvement de recul. C’était sûrement trop tôt. La sensation désagréable de porter un cadavre autour du cou.
Alors, je rangeai le pendentif dans la poche droite de mon pantalon en toile, ôtai mes chaussures et m’allongeai dans le sable. Le ciel avait pris une couleur indigo qui virait progressivement au rouge violacé.
J’avais tout mon temps. Bientôt, Gwen m’appellerait sûrement, folle d’inquiétude. Mais je ne lui dirais rien. J’avais promis. J’étais las et m’endormis assez rapidement. Entre rêves et cauchemars, la vie de Harry repassa dans ma tête.
Harry avait beau être tout sourire lorsqu’il m’accueillit, je vis tout de suite que quelque chose n’était pas comme d’habitude. Gwen était là et époussetait des étagères vides. Les étagères vides. Premier signe.
Gwen m’embrassa, enjouée : « Tu as vu Peter, Harry a pris de grandes résolutions. Il s’est enfin décidé à virer toutes ses cochonneries. On va peut-être enfin pouvoir économiser. »
Je jetai un regard en coin à Harry. Toujours souriant. Mais en dedans, ça devait bouillonner.
Les étagères aujourd’hui désertes avaient contenu un nombre impressionnant de livres en tous genres, des BD pour la plupart. Mais aussi une flopée de magazines et de romans. Harry y tenait comme à la perle de ses yeux. Harry était très friand notamment de ses BD qui lui donnaient accès à des mondes imaginaires aussi féeriques que profondément terrifiants parfois. Et l’imaginaire, Harry en connaissait un rayon.
En sacrifiant ses livres, Harry renonçait à ses rêves. Rien de moins.
J’entrai dans le salon et vis que, là aussi, beaucoup de choses avaient disparu. Figurines, lithographies, dédicaces. Et son stock faramineux de dvd et, à un degré moindre, de cd avait fondu de trois-quarts.
Mon impression de départ semblait se préciser et j’étais mal à l’aise. Harry s’était débarrassé de tout ce qui avait un intérêt à ses yeux. De tout ce qui était même, quelque part, vital pour lui.
-Pourquoi, Harry ? Pourquoi renoncer à tout ça ?
Ce fut Gwen qui répondit, ce qui m’agaça prodigieusement. Je l’aime bien Gwen, elle est adorable. Mais des fois, elle devrait apprendre à fermer sa gueule.
-Ah, ça aura mis du temps mais ça y est : notre Harry s’est décidé à grandir. En fait, ça lui a pris il y a tout juste une semaine son nettoyage de printemps. Un matin, il m’a dit vouloir tout liquider. On y a passé tout le week-end, entre les objets à essayer de vendre sur Internet et les revues à jeter, les cartons à faire, le réaménagement de l’espace gagné etc. L’un dans l’autre, on a finalement gagné près de 3000 euros, plus de futures économies sur les produits qu’il n’achètera plus désormais. C est pas pour dire, mais ça prenait de la place. Même si je sais le sacrifice que ça représente. Je t’aime, mon ange.
Harry sourit maladroitement. Je ne pensais pas que Gwen, justement, soit consciente du sacrifice de Harry. Ni moi non plus d’ailleurs, en cet instant précis.
J’étais perdu dans mes pensées lorsque Harry m’apporta une bière fraîche. Gwen, derrière lui, passa d’une pièce à une autre et en revint avec un gros sac.
-Je vais faire les courses, Harry. Tu es vraiment sûr de ne pas vouloir que je fasse un plein ? Tu manges avec nous, Peter ?
-Certain, chérie. Tu en dis quoi, Peter ? Un petit repas à la bonne franquette ?
J’acceptai avec plaisir, sachant par avance que la soirée se terminerait immanquablement par une soirée de Tarot endiablée. Mais je ne parvenais pas à évacuer cette sensation bizarre.
Comme d’habitude, la première bière fit place à une autre, puis à une autre, tandis que nous discutions de tout et de rien. Surtout de rien. A tel point d’ailleurs que ce fut moi qui rompis cet échange monocorde.
-Tu es sûr de ne rien avoir à me dire ? Tous ces changements, disons, m’inquiètent. Et comme nous nous connaissons depuis 25 ans, j’ai un peu de mal à croire à ton attitude « détachée ».
-Je vais partir, Peter. Et avant tout départ, il faut faire du rangement. Pas de garde-meubles là où je vais.
Je grimaçai, ce qui eut pour effet de me réveiller. Une sensation désagréable. L’eau était légèrement montée et les vagues m’enveloppaient les pieds. L’eau était surtout glacée, oui ! Ah ! Je déteste ça.
Je repensai à Harry. Lui adorait l’eau fraîche. Cette nuit, pensai-je, il a dû être servi. J’essayai d’esquisser un sourire mais ce n’était pas drôle. Et pourtant. Il était parti avec ses soucis. Et me laissait seul avec mes emmerdes. Quel ami ferait ça ?
La colère m’envahit. J’étais seul, merde ! Avec une amitié de 25 ans enfouie au fond des eaux.
Comme je m’y étais attendu, mon portable sonna. Comme il n’avait pas cessé de sonner depuis que j’avais entamé mes recherches. Car la plage ne m’était pas apparue comme une évidence. J’avais écumé beaucoup d’endroits avant d’y penser. Et même une fois sur place, je m’étais presque résigné. Avant de tomber sur le pendentif.
Gwen, en larmes, n’arrivait pas à articuler deux mots. Elle n’avait rien trouvé (tu m’étonnes !) et était au bord de la crise de nerfs.
-Je suis sur la plage, près du rocher, dis-je simplement. Viens m’y rejoindre.
Quelques secondes de silence. Puis un hurlement dans le portable.